mardi 27 janvier 2009

Les Animaux malades de la peste


Jean de La Fontaine est né à Château-Thierry en 1621. Il exerça plusieurs charges dans les Eaux et Forêts, mais dès 1658, il passa la plus grande partie de son temps à Paris ou dans la région parisienne, fréquentant les salons ou les grands, près de qui, selon les habitudes du temps, il trouvait subsistance et protection.

En 1672, la femme d'un financier, Madame de la Sablière, lui offrit une douce hospitalité qui, pendant plus de vingt ans, lui permit de mener une vie libre et pleine de fantaisie, tout à fait conforme à son caractère. Il mourut en 1695.

Il n'avait été élu à l'Académie qu'en 1683, au fauteuil de Colbert (siège 24). Il avait publié en 1666 des Contes en vers mais ce sont ses Fables qui, à juste titre, ont fait sa gloire.

Ses Fables contiennent 12 livres. les six premiers furent donnés en 1668, les livres VII à XI en 1678/1679 et les dernières fables réunies dans le livre XII en 1685 et 1694.

A partir du livre VII, les fables de La Fontaine, s'écartant davantage d'Esope et de Phèdre, prennent plus d'ampleur, s'enrichissent de confidences, de fresques épiques, de méditations philosophiques ou lyriques, de satires politiques et sociales. LaFontaine prend souvent parti pour les faibles, pour les petits, pour tous ceux qu'écrasent l'injustice des privilégiés.

La Fontaine: d'actualité? En cette veille de grande grève...


Découvrez Paul Fargier!


Les Animaux malades de la peste

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni loups ni renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie.
Les tourterelles se fuyaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.

Le Lion tint conseil, et dit : "Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le berger.
Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes seigneur
En les croquant beaucoup d'honneur.
Et quant au berger l'on peut dire
Qu'il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire."
Ainsi dit le renard, et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'âne vint à son tour et dit : "J'ai souvenance
Qu'en un pré de moines passant,
La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net."
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.

Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.


de Gustave Doré

Que cette dernière phrase est juste et encore d'actualité!

1 commentaire:

  1. Plutôt que de la peste, parlons de la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le boeuf... appliqué aux envieuses syndiqués qui trop souvent finissent sur le gril:

    Étendue sur un nénuphar, la grenouille se prélassait dans l’étang. Elle aurait bien aimé dormir durant sa pause mais les coups de marteau et les bulldozer perturbaient sa liberté d’ouvrière au repos.

    Cinq cent grenouilles faisaient déborder l’étang, les nénuphars calant dans l’eau glaiseuse, écoutant cacasser les amères contre leur Crapeau boss toujours en voie d’expansion alors qu’elles demeuraient chétives, cuisses menues.

    Un goût amer vint sur leur bouche ; de forger aussitôt des pancartes avec leurs lit-nénuphar, et d’y inscrire des slogans choquants : « Crapeau, tu nous rapes la peau déjà ridée ». « Tu miroites goulûment nos cuisses à nous rendre gênées, tu grossis alors que nous on rapetisse. On en a marre ! »

    On invita la meneuse grenouille à prendre la parole : « C’est fini l’exploitation, voilà vingt ans que ça dure. Si on se tient les cuisses, nous aussi on pourra se gonfler d’importance et prendre les rennes de l’empire du Crapeau. Allez grenouilles, bombez le torse, encore et encore, faites craquer de fierté vos cages thoraciques : vous pouvez être aussi grosses que le boss.

    Placidement, le boss admirait ces exercices de femelles excitées. Il craignait le pire… qui arriva : le torse de ces gonzesses éclata et souilla tout l’étang. Ne restaient sur le rivage que leurs cuisses dodues et délicates.

    Sans tarder monsieur fit commander un camion de gousses d’ail, fit partir un bon feu, pour bientôt se délecter des délicieuses cuisses qui s’étaient mises à son service vingt ans durant pour tout à coup chanter leur propre chant funèbre.

    Quand on apprécie ce que fut une grenouille en relation avec son boss, qu’on les vit se respecter mutuellement, on n’y comprend rien à ce jeu de montgolfière de ces cinq cent qui montèrent dedans et y crevèrent toutes, d’envie.
    Si on demandait un jour à une grenouille d’être son propre boss, et au boss de revêtir la peau d’une grenouille, on verrait tout de suite que les culottes de la première font qu’elles flottent dedans, et que le maillot du second est ultra serré et inconfortable.

    Comme quoi les pancartes sont faites pour indiquer la route aux égarés et non pour se bagarrer comme des Don Quichotte qui au moins savait lui qu’il n’en avait que contre des moulins à vent.

    Se gonfler, s’enfler, appartient aux crapeaux qui savent quand s’arrêter. Quant aux grenouilles, de se croiser leurs jolies cuisses est déjà plus qu’un plus. En faire plus et les voilà peut-être dans le poëlon.

    Ce récit bien sûr ne servira de leçon à personne, car les grenouilles sont ce qu’elles sont, et les boss ont toujours aimé leurs cuisses bien grillées à l’ail des bois.

    Nous finirons donc cette histoire en queue de poissons, eux qui leur vie durant voyaient venir l’affaire du dessous des nénuphars : au bout du compte ils s’en… fichent.
    Et l’humanité entière aussi.

    Conte de la Plume Fontaine
    Adapté au XXIe siècle par Karl Chaboum

    RépondreSupprimer