mardi 27 janvier 2009

Les Animaux malades de la peste


Jean de La Fontaine est né à Château-Thierry en 1621. Il exerça plusieurs charges dans les Eaux et Forêts, mais dès 1658, il passa la plus grande partie de son temps à Paris ou dans la région parisienne, fréquentant les salons ou les grands, près de qui, selon les habitudes du temps, il trouvait subsistance et protection.

En 1672, la femme d'un financier, Madame de la Sablière, lui offrit une douce hospitalité qui, pendant plus de vingt ans, lui permit de mener une vie libre et pleine de fantaisie, tout à fait conforme à son caractère. Il mourut en 1695.

Il n'avait été élu à l'Académie qu'en 1683, au fauteuil de Colbert (siège 24). Il avait publié en 1666 des Contes en vers mais ce sont ses Fables qui, à juste titre, ont fait sa gloire.

Ses Fables contiennent 12 livres. les six premiers furent donnés en 1668, les livres VII à XI en 1678/1679 et les dernières fables réunies dans le livre XII en 1685 et 1694.

A partir du livre VII, les fables de La Fontaine, s'écartant davantage d'Esope et de Phèdre, prennent plus d'ampleur, s'enrichissent de confidences, de fresques épiques, de méditations philosophiques ou lyriques, de satires politiques et sociales. LaFontaine prend souvent parti pour les faibles, pour les petits, pour tous ceux qu'écrasent l'injustice des privilégiés.

La Fontaine: d'actualité? En cette veille de grande grève...


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Les Animaux malades de la peste

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni loups ni renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie.
Les tourterelles se fuyaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.

Le Lion tint conseil, et dit : "Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le berger.
Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes seigneur
En les croquant beaucoup d'honneur.
Et quant au berger l'on peut dire
Qu'il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire."
Ainsi dit le renard, et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'âne vint à son tour et dit : "J'ai souvenance
Qu'en un pré de moines passant,
La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net."
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.

Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.


de Gustave Doré

Que cette dernière phrase est juste et encore d'actualité!

mardi 20 janvier 2009

3.Polyeucte renverse les idoles

Frontispice de Polyeucte



Fils d'un avocat au Parlement, Pierre Corneille (1606-1684) naquit à Rouen. Possesseur lui même de deux offices d'avocat, il écrivit d'abord des comédies: Mélite en 1929, Clitandre en 1632, la galerie du palais en 1633.

Il connut de bonne heure le succès grâce à sa tragédie, le Cid( 1636)
Après un silence de plusieurs années, il donna en 1640 deux nouvelles tragédies: Horace et Cinna.

Ses pièces, de valeur inégales, mais toutes pleines de grandeur et d'éclat se succédèrent alors régulièrement, sauf une interruption de 1652 à 1659; sa dernière tragédie, Suréna, est de 1674.

D'autres pièces eurent un énorme succès: Pompée (1643), Rodogune (1644) Nicomède (1651) et une comédie le Menteur (1644)

La Bruyère, vers la fin du siècle, qualifia son génie de "sublime"; on peut dire qu'il a créé la tragédie française.

Parmi les pièces qui retracent, comme en une immense fresque, les grandes périodes de l'histoire romaine, Polyeucte représente la diffusion du Christianisme dans l'Empire romain. Sous l'empereur Décius, au IIIème siècle, Polyeucte, gendre du gouverneur d'Arménie, Félix, a voulu, à peine baptisé, donner un témoignage de sa foi, en renversant les idoles, avec son ami Néarque, au cours d'un sacrifice solennel. Le récit de cette scène ( acte III scène 2, le passage est mis en italique) est fait par Stratonice, confidente de la jeune femme dePolyeucte, restée païenne comme sa maîtresse.


Polyeucte, gravure de H. Gravelot

Polyeucte de Pierre Corneille

ACTE III

Scène I.


Pauline.
Que de soucis flottants, que de confus nuages
Présentent à mes yeux d'inconstantes images !
Douce tranquillité, que je n'ose espérer,
Que ton divin rayon tarde à les éclairer !
Mille agitations, que mes troubles produisent,
Dans mon coeur ébranlé tour à tour se détruisent :
Aucun espoir n'y coule où j'ose persister ;
Aucun effroi n'y règne où j'ose m'arrêter.
Mon esprit, embrassant tout ce qu'il s'imagine,
Voit tantôt mon bonheur, et tantôt ma ruine,
Et suit leur vaine idée avec si peu d'effet,
Qu'il ne peut espérer ni craindre tout à fait.
Sévère incessamment brouille ma fantaisie :
J'espère en sa vertu, je crains sa jalousie ;
Et je n'ose penser que d'un oeil bien égal
Polyeucte en ces lieux puisse voir son rival.
Comme entre deux rivaux la haine est naturelle,
L'entrevue aisément se termine en querelle :
L'un voit aux mains d'autrui ce qu'il croit mériter,
L'autre un désespéré qui peut trop attenter.
Quelque haute raison qui règle leur courage,
L'un conçoit de l'envie, et l'autre de l'ombrage ;
La honte d'un affront, que chacun d'eux croit voir
Ou de nouveau reçue, ou prête à recevoir,
Consumant dès l'abord toute leur patience,
Forme de la colère et de la défiance,
Et saisissant ensemble et l'époux et l'amant,
En dépit d'eux les livre à leur ressentiment.
Mais que je me figure une étrange chimère,
Et que je traite mal Polyeucte et Sévère !
Comme si la vertu de ces fameux rivaux
Ne pouvait s'affranchir de ces communs défauts !
Leurs âmes à tous deux d'elles-mêmes maîtresses
Sont d'un ordre trop haut pour de telles bassesses.
Ils se verront au temple en hommes généreux ;
Mais las ! Ils se verront, et c'est beaucoup pour eux.
Que sert à mon époux d'être dans Mélitène,
Si contre lui Sévère arme l'aigle romaine,
Si mon père y commande, et craint ce favori,
Et se repent déjà du choix de mon mari ?
Si peu que j'ai d'espoir ne luit qu'avec contrainte ;
En naissant il avorte, et fait place à la crainte ;
Ce qui doit l'affermir sert à le dissiper.
Dieux ! Faites que ma peur puisse enfin se tromper !


Scène II.


Pauline.
Mais sachons-en l'issue. Eh bien ! Ma Stratonice,
Comment s'est terminé ce pompeux sacrifice ?
Ces rivaux généreux au temple se sont vus ?

Stratonice.
Ah ! Pauline !

Pauline.
Mes voeux ont-ils été déçus ?
J'en vois sur ton visage une mauvaise marque.
Se sont-ils querellés ?

Stratonice.
Polyeucte, Néarque,
Les chrétiens...

Pauline.
Parle donc : les chrétiens...

Stratonice.
Je ne puis.

Pauline.
Tu prépares mon âme à d'étranges ennuis.

Stratonice.
Vous n'en sauriez avoir une plus juste cause.

Pauline.
L'ont-ils assassiné ?

Stratonice.
Ce serait peu de chose.
Tout votre songe est vrai, Polyeucte n'est plus...

Pauline.
Il est mort !

Stratonice.
Non, il vit ; mais, ô pleurs superflus !
Ce courage si grand, cette âme si divine,
N'est plus digne du jour, ni digne de Pauline.
Ce n'est plus cet époux si charmant à vos yeux ;
C'est l'ennemi commun de l'état et des dieux,
Un méchant, un infâme, un rebelle, un perfide,
Un traître, un scélérat, un lâche, un parricide,
Une peste exécrable à tous les gens de bien,
Un sacrilège impie : en un mot, un chrétien.

Pauline.
Ce mot aurait suffi sans ce torrent d'injures.

Stratonice.
Ces titres aux chrétiens sont-ce des impostures ?

Pauline.
Il est ce que tu dis, s'il embrasse leur foi ;
Mais il est mon époux, et tu parles à moi.

Stratonice.
Ne considérez plus que le dieu qu'il adore.

Pauline.
Je l'aimai par devoir : ce devoir dure encore.

Stratonice.
Il vous donne à présent sujet de le haïr :
Qui trahit tous nos dieux aurait pu vous trahir.

Pauline.
Je l'aimerais encor, quand il m'aurait trahie ;
Et si de tant d'amour tu peux être ébahie,
Apprends que mon devoir ne dépend point du sien :
Qu'il y manque, s'il veut ; je dois faire le mien.
Quoi ? S'il aimait ailleurs, serais-je dispensée
À suivre, à son exemple, une ardeur insensée ?
Quelque chrétien qu'il soit, je n'en ai point d'horreur ;
Je chéris sa personne, et je hais son erreur.
Mais quel ressentiment en témoigne mon père ?

Stratonice.
Une secrète rage, un excès de colère,
Malgré qui toutefois un reste d'amitié
Montre pour Polyeucte encor quelque pitié.
Il ne veut point sur lui faire agir sa justice,
Que du traître Néarque il n'ait vu le supplice.

Pauline.
Quoi ? Néarque en est donc ?

Stratonice.
Néarque l'a séduit :
De leur vieille amitié c'est là l'indigne fruit.
Ce perfide tantôt, en dépit de lui-même,
L'arrachant de vos bras, le traînait au baptême.
Voilà ce grand secret et si mystérieux
Que n'en pouvait tirer votre amour curieux.

Pauline.
Tu me blâmais alors d'être trop importune.

Stratonice.
Je ne prévoyais pas une telle infortune.

Pauline.
Avant qu'abandonner mon âme à mes douleurs,
Il me faut essayer la force de mes pleurs :
En qualité de femme ou de fille, j'espère
Qu'ils vaincront un époux, ou fléchiront un père.
Que si sur l'un et l'autre ils manquent de pouvoir,
Je ne prendrai conseil que de mon désespoir.
Apprends-moi cependant ce qu'ils ont fait au temple.

Stratonice.
C'est une impiété qui n'eut jamais d'exemple ;
Je ne puis y penser sans frémir à l'instant,
Et crains de faire un crime en vous la racontant.
Apprenez en deux mots leur brutale insolence.
Le prêtre avait à peine obtenu du silence,
Et devers l'orient assuré son aspect,
Qu'ils ont fait éclater leur manque de respect.
À chaque occasion de la cérémonie,
À l'envi l'un et l'autre étalait sa manie,
Des mystères sacrés hautement se moquait,
Et traitait de mépris les dieux qu'on invoquait.
Tout le peuple en murmure, et Félix s'en offense ;
Mais tous deux s'emportant à plus d'irrévérence :
" quoi ? Lui dit Polyeucte en élevant sa voix,
Adorez-vous des dieux ou de pierre ou de bois ? "
Ici dispensez-moi du récit des blasphèmes
Qu'ils ont vomis tous deux contre Jupiter mêmes.
L'adultère et l'inceste en étaient les plus doux.
" oyez, dit-il ensuite, oyez, peuple, oyez tous.
Le dieu de Polyeucte et celui de Néarque
De la terre et du ciel est l'absolu monarque,
Seul être indépendant, seul maître du destin,
Seul principe éternel, et souveraine fin.
C'est ce dieu des chrétiens qu'il faut qu'on remercie
Des victoires qu'il donne à l'empereur Décie ;
Lui seul tient en sa main le succès des combats ;
Il le veut élever, il le peut mettre à bas ;
Sa bonté, son pouvoir, sa justice est immense ;
C'est lui seul qui punit, lui seul qui récompense.
Vous adorez en vain des monstres impuissants. "
Se jetant à ces mots sur le vin et l'encens,
Après en avoir mis les saints vases par terre,
Sans crainte de Félix, sans crainte du tonnerre,
D'une fureur pareille ils courent à l'autel.
Cieux ! A-t-on vu jamais, a-t-on rien vu de tel ?
Du plus puissant des dieux nous voyons la statue
Par une main impie à leurs pieds abattue,
Les mystères troublés, le temple profané,
La fuite et les clameurs d'un peuple mutiné,
Qui craint d'être accablé sous le courroux céleste.
Félix... Mais le voici qui vous dira le reste.

Pauline.
Que son visage est sombre et plein d'émotion !
Qu'il montre de tristesse et d'indignation !


Scène III.


Félix.
Une telle insolence avoir osé paraître !
En public ! À ma vue ! Il en mourra, le traître.

Pauline.
Souffrez que votre fille embrasse vos genoux.

Félix.
Je parle de Néarque, et non de votre époux.
Quelque indigne qu'il soit de ce doux nom de gendre,
Mon âme lui conserve un sentiment plus tendre :
La grandeur de son crime et de mon déplaisir
N'a pas éteint l'amour qui me l'a fait choisir.

Pauline.
Je n'attendais pas moins de la bonté d'un père.

Félix.
Je pouvais l'immoler à ma juste colère ;
Car vous n'ignorez pas à quel comble d'horreur
De son audace impie a monté la fureur ;
Vous l'avez pu savoir du moins de Stratonice.

Pauline.
Je sais que de Néarque il doit voir le supplice.

Félix.
Du conseil qu'il doit prendre il sera mieux instruit,
Quand il verra punir celui qui l'a séduit.
Au spectacle sanglant d'un ami qu'il faut suivre,
La crainte de mourir et le désir de vivre
Ressaisissent une âme avec tant de pouvoir,
Que qui voit le trépas cesse de le vouloir.
L'exemple touche plus que ne fait la menace :
Cette indiscrète ardeur tourne bientôt en glace,
Et nous verrons bientôt son coeur inquiété
Me demander pardon de tant d'impiété.

Pauline.
Vous pouvez espérer qu'il change de courage ?

Félix.
Aux dépens de Néarque il doit se rendre sage.

Pauline.
Il le doit ; mais, hélas ! Où me renvoyez-vous,
Et quels tristes hasards ne court point mon époux,
Si de son inconstance il faut qu'enfin j'espère
Le bien que j'espérais de la bonté d'un père ?

Félix.
Je vous en fais trop voir, Pauline, à consentir
Qu'il évite la mort par un prompt repentir.
Je devais même peine à des crimes semblables ;
Et mettant différence entre ces deux coupables,
J'ai trahi la justice à l'amour paternel ;
Je me suis fait pour lui moi-même criminel ;
Et j'attendais de vous, au milieu de vos craintes,
Plus de remercîments que je n'entends de plaintes.

Pauline.
De quoi remercier qui ne me donne rien ?
Je sais quelle est l'humeur et l'esprit d'un chrétien :
Dans l'obstination jusqu'au bout il demeure ;
Vouloir son repentir, c'est ordonner qu'il meure.

Félix.
Sa grâce est en sa main, c'est à lui d'y rêver.

Pauline.
Faites-la toute entière.

Félix.
Il la peut achever.

Pauline.
Ne l'abandonnez pas aux fureurs de sa secte.

Félix.
Je l'abandonne aux lois, qu'il faut que je respecte.

Pauline.
Est-ce ainsi que d'un gendre un beau-père est l'appui ?

Félix.
Qu'il fasse autant pour soi comme je fais pour lui.

Pauline.
Mais il est aveuglé.

Félix.
Mais il se plaît à l'être :
Qui chérit son erreur ne la veut pas connaître.

Pauline.
Mon père, au nom des dieux...

Félix.
Ne les réclamez pas,
Ces dieux dont l'intérêt demande son trépas.

Pauline.
Ils écoutent nos voeux.

Félix.
Eh bien ! Qu'il leur en fasse.

Pauline.
Au nom de l'empereur dont vous tenez la place...

Félix.
J'ai son pouvoir en main ; mais s'il me l'a commis,
C'est pour le déployer contre ses ennemis.

Pauline.
Polyeucte l'est-il ?

Félix.
Tous chrétiens sont rebelles.

Pauline.
N'écoutez point pour lui ces maximes cruelles :
En épousant Pauline il s'est fait votre sang.

Félix.
Je regarde sa faute, et ne vois plus son rang.
Quand le crime d'état se mêle au sacrilège,
Le sang ni l'amitié n'ont plus de privilège.

Pauline.
Quel excès de rigueur !

Félix.
Moindre que son forfait.

Pauline.
Ô de mon songe affreux trop véritable effet !
Voyez-vous qu'avec lui vous perdez votre fille ?

Félix.
Les dieux et l'empereur sont plus que ma famille.

Pauline.
La perte de tous deux ne vous peut arrêter !

Félix.
J'ai les dieux et Décie ensemble à redouter.
Mais nous n'avons encore à craindre rien de triste :
Dans son aveuglement pensez-vous qu'il persiste ?
S'il nous semblait tantôt courir à son malheur,
C'est d'un nouveau chrétien la première chaleur.

Pauline.
Si vous l'aimez encor, quittez cette espérance,
Que deux fois en un jour il change de croyance :
Outre que les chrétiens ont plus de dureté,
Vous attendez de lui trop de légèreté.
Ce n'est point une erreur avec le lait sucée,
Que sans l'examiner son âme ait embrassée :
Polyeucte est chrétien, parce qu'il l'a voulu,
Et vous portait au temple un esprit résolu.
Vous devez présumer de lui comme du reste :
Le trépas n'est pour eux ni honteux ni funeste ;
Ils cherchent de la gloire à mépriser nos dieux ;
Aveugles pour la terre, ils aspirent aux cieux ;
Et croyant que la mort leur en ouvre la porte,
Tourmentés, déchirés, assassinés, n'importe,
Les supplices leur sont ce qu'à nous les plaisirs,
Et les mènent au but où tendent leurs désirs :
La mort la plus infâme, ils l'appellent martyre.

Félix.
Eh bien donc ! Polyeucte aura ce qu'il désire :
N'en parlons plus.

Pauline.
Mon père...



Scène IV.


Félix.
Albin, en est-ce fait ?

Albin.
Oui, seigneur, et Néarque a payé son forfait.

Félix.
Et notre Polyeucte a vu trancher sa vie ?

Albin.
Il l'a vu, mais, hélas ! Avec un oeil d'envie.
Il brûle de le suivre, au lieu de reculer ;
Et son coeur s'affermit, au lieu de s'ébranler.

Pauline.
Je vous le disais bien. Encore un coup, mon père,
Si jamais mon respect a pu vous satisfaire,
Si vous l'avez prisé, si vous l'avez chéri...

Félix.
Vous aimez trop, Pauline, un indigne mari.

Pauline.
Je l'ai de votre main : mon amour est sans crime ;
Il est de votre choix la glorieuse estime ;
Et j'ai, pour l'accepter, éteint le plus beau feu
Qui d'une âme bien née ait mérité l'aveu.
Au nom de cette aveugle et prompte obéissance
Que j'ai toujours rendue aux lois de la naissance,
Si vous avez pu tout sur moi, sur mon amour,
Que je puisse sur vous quelque chose à mon tour !
Par ce juste pouvoir à présent trop à craindre,
Par ces beaux sentiments qu'il m'a fallu contraindre,
Ne m'ôtez pas vos dons : ils sont chers à mes yeux,
Et m'ont assez coûté pour m'être précieux.

Félix.
Vous m'importunez trop : bien que j'aye un coeur tendre,
Je n'aime la pitié qu'au prix que j'en veux prendre ;
Employez mieux l'effort de vos justes douleurs :
Malgré moi m'en toucher, c'est perdre et temps et pleurs ;
J'en veux être le maître, et je veux bien qu'on sache
Que je la désavoue alors qu'on me l'arrache.
Préparez-vous à voir ce malheureux chrétien,
Et faites votre effort quand j'aurai fait le mien.
Allez : n'irritez plus un père qui vous aime,
Et tâchez d'obtenir votre époux de lui-même.
Tantôt jusqu'en ce lieu je le ferai venir :
Cependant quittez-nous, je veux l'entretenir.

Pauline.
De grâce, permettez...

Félix.
Laissez-nous seuls, vous dis-je :
Votre douleur m'offense autant qu'elle m'afflige.
À gagner Polyeucte appliquez tous vos soins ;
Vous avancerez plus en m'importunant moins.


Scène V.


Félix.
Albin, comme est-il mort ?

Albin.
En brutal, en impie,
En bravant les tourments, en dédaignant la vie,
Sans regret, sans murmure, et sans étonnement,
Dans l'obstination et l'endurcissement,
Comme un chrétien enfin, le blasphème à la bouche.

Félix.
Et l'autre ?

Albin.
Je l'ai dit déjà, rien ne le touche.
Loin d'en être abattu, son coeur en est plus haut ;
On l'a violenté pour quitter l'échafaud.
Il est dans la prison où je l'ai vu conduire ;
Mais vous êtes bien loin encor de le réduire.

Félix.
Que je suis malheureux !

Albin.
Tout le monde vous plaint.

Félix.
On ne sait pas les maux dont mon coeur est atteint :
De pensers sur pensers mon âme est agitée,
De soucis sur soucis elle est inquiétée ;
Je sens l'amour, la haine, et la crainte, et l'espoir,
La joie et la douleur tour à tour l'émouvoir ;
J'entre en des sentiments qui ne sont pas croyables :
J'en ai de violents, j'en ai de pitoyables,
J'en ai de généreux qui n'oseraient agir,
J'en ai même de bas, et qui me font rougir.
J'aime ce malheureux que j'ai choisi pour gendre,
Je hais l'aveugle erreur qui le vient de surprendre ;
Je déplore sa perte, et le voulant sauver,
J'ai la gloire des dieux ensemble à conserver ;
Je redoute leur foudre et celui de Décie ;
Il y va de ma charge, il y va de ma vie :
Ainsi tantôt pour lui je m'expose au trépas,
Et tantôt je le perds pour ne me perdre pas.

Albin.
Décie excusera l'amitié d'un beau-père ;
Et d'ailleurs Polyeucte est d'un sang qu'on révère.

Félix.
À punir les chrétiens son ordre est rigoureux ;
Et plus l'exemple est grand, plus il est dangereux.
On ne distingue point quand l'offense est publique ;
Et lorsqu'on dissimule un crime domestique,
Par quelle autorité peut-on, par quelle loi,
Châtier en autrui ce qu'on souffre chez soi ?

Albin.
Si vous n'osez avoir d'égard à sa personne,
Écrivez à Décie afin qu'il en ordonne.

Félix.
Sévère me perdrait, si j'en usais ainsi :
Sa haine et son pouvoir font mon plus grand souci.
Si j'avais différé de punir un tel crime,
Quoiqu'il soit généreux, quoiqu'il soit magnanime,
Il est homme, et sensible, et je l'ai dédaigné ;
Et de tant de mépris son esprit indigné,
Que met au désespoir cet hymen de Pauline,
Du courroux de Décie obtiendrait ma ruine.
Pour venger un affront tout semble être permis,
Et les occasions tentent les plus remis.
Peut-être, et ce soupçon n'est pas sans apparence,
Il rallume en son coeur déjà quelque espérance ;
Et croyant bientôt voir Polyeucte puni,
Il rappelle un amour à grand'peine banni.
Juge si sa colère, en ce cas implacable,
Me ferait innocent de sauver un coupable,
Et s'il m'épargnerait, voyant par mes bontés
Une seconde fois ses desseins avortés.
Te dirai-je un penser indigne, bas et lâche ?
Je l'étouffe, il renaît ; il me flatte, et me fâche :
L'ambition toujours me le vient présenter,
Et tout ce que je puis, c'est de le détester.
Polyeucte est ici l'appui de ma famille ;
Mais si, par son trépas, l'autre épousait ma fille,
J'acquerrais bien par là de plus puissants appuis,
Qui me mettraient plus haut cent fois que je ne suis.
Mon coeur en prend par force une maligne joie ;
Mais que plutôt le ciel à tes yeux me foudroie,
Qu'à des pensers si bas je puisse consentir,
Que jusque-là ma gloire ose se démentir !

Albin.
Votre coeur est trop bon, et votre âme trop haute.
Mais vous résolvez-vous à punir cette faute ?

Félix.
Je vais dans la prison faire tout mon effort
À vaincre cet esprit par l'effroi de la mort ;
Et nous verrons après ce que pourra Pauline.

Albin.
Que ferez-vous enfin, si toujours il s'obstine ?

Félix.
Ne me presse point tant : dans un tel déplaisir
Je ne puis que résoudre, et ne sais que choisir.

Albin.
Je dois vous avertir, en serviteur fidèle,
Qu'en sa faveur déjà la ville se rebelle,
Et ne peut voir passer par la rigueur des lois
Sa dernière espérance et le sang de ses rois.
Je tiens sa prison même assez mal assurée :
J'ai laissé tout autour une troupe éplorée ;
Je crains qu'on ne la force.

Félix.
Il faut donc l'en tirer,
Et l'amener ici pour nous en assurer.

Albin.
Tirez-l'en donc vous-même, et d'un espoir de grâce
Apaisez la fureur de cette populace.

Félix.
Allons, et s'il persiste à demeurer chrétien,
Nous en disposerons sans qu'elle en sache rien.

Polyeucte et Pauline par Luc-Olivier Merson (1888)


samedi 17 janvier 2009

2. Consolation à M. Du Périer


François de Malherbe (1555 1628) nacquit à Caen, d'une famille d'épée tombée dans la robe. Ses études de droit finies, il quitta la Normandie pour faire fotune; il prit l'épée et s'attacha comme secrétaire au lieutenant du gouverneur de Provence, Henri d'Angoulême.

Il se maria en 1581. Il maniait la plume aussi bien que l'épée.Peut être s'est-il brillamment conduit pendant les guerres de religion. Ilécrivait dans le goût du temps des vers spirituels et pédants. En 1605, grâce à la protection de Jacques Du Perron, il vint à Paris et plut au roi Henri IV qui le donna à Monsieur de Bellegarde.

Mais venu tard à la poésie, il chercha à rattraper le temps perdu en célébrant les exploits des rois Henri IV puis Louis XIII dont il fut une sorte de poète officiel. Il eut la plus grande influence sur la poésie française du XVII ème siècle en luttant contre les excès de l'imagination et en soumettant le vers à de nombreuses contraintes, créatrice de beauté.


Il adresse cette Consolation, publiée en 1607, à François du Périer, avocat au Parlement d'Aix, qui avait perdu sa fille Marguerite âgée de cinq ans. Il exhorte Du Périer à un retour à la raison, à une sorte de résignation. La mort est inéxorable, ne respecte personne et frappe sans tenir compte de l'âge; la vie est fragile; tout le monde doit mourir, qu'il soit jeune ou vieux, riche ou pauvre. Et le chrétien doit se résigner et accepter toute décision divine.

Consolation à Monsieur Du Périer
Gentilhomme d'Aix en Provence
Sur la mort de sa fille

Ta douleur, Du Périer, sera donc éternelle,
Et les tristes discours
Que te met en l'esprit l'amitié paternelle
L'augmenteront tousjours!


Le malheur de ta fille au tombeau descenduë
Par un commun trespas,
Est-ce quelque dedale où ta raison perduë
Ne se retreuve pas?


Je sçay de quels appas son enfance estoit pleine,
Et n'ay pas entrepris,
Injurieux ami, de soulager ta peine
Avecque son mespris.


Mais elle estoit du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin,
Et rose elle a vescu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin.


Puis quand ainsi seroit, que selon ta priere,
Elle auroit obtenu
D'avoir en cheveux blancs terminé sa carriere,
Qu'en fust-il advenu?


Penses-tu que, plus vieille, en la maison celeste
Elle eust eu plus d'accueil?
Ou qu'elle eust moins senti la poussiere funeste
Et les vers du cercueil?


Non, non, mon Du Périer, aussi-tost que la Parque
Oste l'ame du corps,
L'âge s'évanoüit au deça de la barque,
Et ne suit point les morts.


Tithon n'a plus les ans que le firent cigale,
Et Pluton aujourd'huy,
Sans égard du passé, les merites égale
D'Archemore et de luy.


Ne te lasse donc plus d'inutiles complaintes,
Mais sage à l'advenir,
Aime une ombre comme ombre, et de cendres esteintes
Esteins le souvenir.


C'est bien, je le confesse, une juste coustume,
Que le coeur affligé,
Par le canal des yeux vuidant son amertume,
Cherche d'estre allegé.


Mesme, quand il advient que la tombe separe
Ce que nature a joint,
Celuy qui ne s'esmeut a l'ame d'un barbare,
Ou n'en a du tout point.


Mais d'estre inconsolable, et dedans sa memoire
Enfermer un ennuy,
N'est-ce pas se hayr pour acquerir la gloire
De bien aimer autruy ?


Priam, qui vit ses fils abbatus par Achille,
Desnué de support,
Et hors de tout espoir du salut de sa ville,
Receut du reconfort.


François, quand la Castille, inégale à ses armes,
Luy vola son Dauphin,
Sembla d'un si grand coup devoir jetter des larmes
Qui n'eussent point de fin.


Il les secha pourtant, et comme un autre Alcide
Contre fortune instruict,
Fit qu'à ses ennemis d'un acte si perfide
La honte fut le fruict.


Leur camp, qui la Durance avoit presque tarie
De bataillons espais,
Entendant sa constance eut peur de sa furie,
Et demanda la paix.


De moy, desja deux fois d'une pareille foudre
Je me suis vu perclus,
Et deux fois la raison m'a si bien fait resoudre
Qu'il ne m'en souvient plus.


Non qu'il ne me soit grief que la tombe possede
Ce qui me fut si cher;
Mais en un accident qui n'a point de remede,
II n'en faut point chercher.


La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles:
On a beau la prier,
La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier.


Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,
Est sujet à ses loix,
Et la garde qui veille aux barrieres du Louvre
N'en défend point nos rois.


De murmurer contr'elle et perdre patience,
II est mal à propos:
Vouloir ce que Dieu veut est la seule science
Qui nous met en repos.




En Français moderne pour ceux qui ont du mal avec la langue du 17ème siècle.

Ta douleur, du Périer, sera donc éternelle,
Et les tristes discours
Que te met en l'esprit l'amitié paternelle
L'augmenteront toujours


Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,
Est-ce quelque dédale, où ta raison perdue
Ne se retrouve pas ?



Je sais de quels appas son enfance était pleine,
Et n'ai pas entrepris,
Injurieux ami, de soulager ta peine
Avecque son mépris.


Mais elle était du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin ;
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin.


Puis quand ainsi serait, que selon ta prière,
Elle aurait obtenu
D'avoir en cheveux blancs terminé sa carrière,
Qu'en fût-il advenu?



Penses-tu que, plus vieille, en la maison céleste
Elle eût eu plus d'accueil ?
Ou qu'elle eût moins senti la poussière funeste
Et les vers du cercueil ?


Non, non, mon du Périer, aussitôt que la Parque
Ote l'âme du corps,
L'âge s'évanouit au deçà de la barque,
Et ne suit point les morts...



Tithon n'a plus les ans qui le firent cigale :
Et Pluton aujourd'hui,
Sans égard du passé les mérites égale
D'Archémore et de lui.


Ne te lasse donc plus d'inutiles complaintes :
Mais songe à l'avenir,
Aime une ombre comme ombre, et de cendres éteintes,
Eteins le souvenir.


C'est bien je le confesse , une juste coutume,
Que le coeur affligé
Par le canal des yeux vidant son amertume
Cherche d'être allégé.


Même quand il advient que la tombe sépare
Ce que Nature a joint,
Celui qui ne s'émeut pas à l'âme d'un Barbare,
Ou n'en a du tout point.


Mais d'être inconsolable ,et dedans sa mémoire
Enfermer un ennui,
N'est-ce pas se haïr pour acquérir la gloire
de bien aimer autrui ?

Priam, qui vit ses fils abattus par Achille,
Dénué de support
Et hors de tout espoir du salut de sa ville,
Reçut du réconfort.


François, quand la Castille, inégale à ses armes,
Lui vola son Dauphin,
Sembla d’un si grand coup devoir jeter des larmes
Qui n’eussent point de fin.


Il les sécha pourtant, et comme un autre Alcide
Contre fortune instruit,
Fit qu’à ses ennemis d’un acte si perfide
La honte fut le fruit.


Leur camp, qui la Durance avait presque tarie
De bataillons épais,
Entendant sa constance, eut peur de sa furie
Et demanda la paix.


De moi, déjà deux fois d’une pareille foudre
Je me suis vu perclus,
Et deux fois la raison m’a si bien fait résoudre
Qu’il ne m’en souvient plus.


Non qu’il ne me soit grief que la terre possède
Ce qui me fut si cher;
Mais en un accident qui n’a point de remède,

Il n'en faut point chercher.



La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles:
On a beau la prier,
La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier.


Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,
Est sujet à ses loix,
Et la garde qui veille aux barrieres du Louvre
N'en défend point nos rois.


De murmurer contr'elle et perdre patience,
II est mal à propos:
Vouloir ce que Dieu veut est la seule science
Qui nous met en repos.



http://www.litteratureaudio.com/Francois_de_Malherbe_-_Consolation_a_Du_Perier.mp3


vendredi 16 janvier 2009

1. La complainte de Rutebeuf

Rutebeuf est le représentant le plus brillant de la satire au Moyen Age. De sa vie on ne sait pas grand chose; Nait sans doute en Champagne vers 1230, on sait qu'il vécut à Paris une vie de misère causée par sa passion du jeu.


Après avoir hanté les tavernes, composé des contes licencieux et blasonné les gens d'église, il se convertit et prêche même la Croisade. Il chante les louanges de Notre-Dame pour le salut de son âme.
Il loue aujourd'hui ce qu'il blâmait hier, au gré de la mode et de son caprice.

C'est le poète populaire par excellence; il traite de l'actualité et la met en chansons, avec beaucoup d'esprit et de rudesse. Rutebeuf meurt vers 1285.

La complainte de Rutebeuf


Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Ce sont amis que vent me porte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

Avec le temps qu'arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n'aille à terre
Avec pauvreté qui m'atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d'hiver
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m'était à venir
M'est advenu

Pauvre sens et pauvre mémoire
M'a Dieu donné, le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient, le vent m'évente
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta